Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilAccueil  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le deal à ne pas rater :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot 6 Boosters Mascarade ...
Voir le deal

Partagez | 
 

 This is the End, my only Friend [Odyssée]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Integra Syon
Integra Syon

Féminin
Messages : 36
Localisation : Anywhere out of the World
Emploi : Agent

Profil
Niveau: 45
Votre couverture: Médecin Légiste
Jauge d'Expérience:
This is the End, my only Friend [Odyssée] Left_bar_bleue0/700This is the End, my only Friend [Odyssée] Empty_bar_bleue  (0/700)


This is the End, my only Friend [Odyssée] Vide
MessageSujet: This is the End, my only Friend [Odyssée]   This is the End, my only Friend [Odyssée] I_icon_minitimeSam 8 Jan - 23:16



Pluie. Encore de la pluie. Les gouttes ruisselaient sur la peau synthétique d’ébène sans trouver d’accroche. De là haut, la ville offrait le plus triste des spectacles. Une chape de plomb s’était abattue sur elle prenant la forme de lourds et énormes nuages. Perchée sur les toits et dissimulée dans sa combinaison, Intégra s’apprêtait à partir en chasse. Elle réajusta la visière de son casque, cachant définitivement la moindre parcelle de peau. Personne ne pouvait l’identifier ainsi. La seule chose que l’on pouvait deviner, c’est qu’un Extended allait de nouveau sévir. Monstres de guerres et redoutables adversaires, peu de gens pouvaient se vanter d’avoir pu croiser jour leur regard et d’en avoir réchappé. Ces créatures issues d’obscurs et secrets laboratoires avaient pour habitude de revêtir un uniforme intégralement noir et moulant, effaçant ainsi tous signes distinctifs. De toute façon, il valait mieux ignorer l’identité ou même le visage d’un Extended si l’on voulait pouvoir s’en sortir vivant.

Intégra faisait quelques peu exceptions à cette fondamentale règles puisque la plupart de la populace devait ignorer sa véritable nature. Elle était avant tout une espionne et un agent d’infiltration, chargée de récolter des informations. Secondairement, il pouvait lui arriver d’avoir à tuer. Et en cette terne fin de journée, Intégra n’avait plus en tête que cette dernière idée. Tuer. Elle sentait son corps s’éveiller peu à peu sous l’appel du sang. Ses capacités de prédateurs avaient été trop longtemps enfouies. Ce nouvel ordre de mission se révélait un véritable soulagement. Chacun des sens de la jeune femme semblait sortir d’une douce léthargie. Elle ne pensait à rien d’autre que son nouvel objectif. Plusieurs mois d’espionnage et de récolte d’informations l’avaient conduite ici. Il avait encore fallu attendre les directives de ses supérieurs mais à présent elle pouvait faire étalage de ses capacités d’assassin. Sans plus attendre, la jeune femme se laissa souplement glisser le long des parois abruptes pour descendre de quelques étages. Sa cible n’était qu’à deux bâtiments d’écarts et trois étages en contrebas.

Deux minutes. C’était le temps qu’il avait fallu à Intégra pour supprimer sa cible. Elle n’avait eu aucun mal à se glisser entre les ombres et pénétrer l’immeuble. Elle s’était ensuite introduite sans plus se presser dans l’appartement de sa future victime. Celle-ci devait rentrer de son travail quelques secondes plus tard. Intégra l’attendait calmement. Elle lui avait brisé le cou sans aucune hésitation. L’homme était mort sans même l’apercevoir. C’était à se demander s’il avait même eu le temps de prendre conscience qu’il allait mourir. Intégra s’était ensuite occupée de faire le ménage dans la paperasse et avait pris le temps de subtiliser les informations qui pouvaient lui être nécessaire. Elle s’était ensuite arrangée pour saccager suffisamment l’appartement afin que la scène ressemble enfin à un meurtre. Elle avait fini par crocheter la serrure avant de fermer la porte derrière elle. C’était parfait.

Dans la cage d’ascenseur, elle avait ôté sa tenue. Celle-ci s’était aussitôt désagrégée. Elle avait fouillé ensuite dans une de ses poches de son jean élimé, troué et délavé pour en extraire une pilule. Lorsqu’elle la craqua sous la dent, elle détruisit la puce qu’elle contenait. C’était le signal qui indiquait qu’elle venait d’accomplir sa mission. La pilule contenait aussi un puissant narcotique. Intégra ferma les yeux lorsque la drogue glissa lentement le long de son œsophage. Un frisson langoureux la parcouru. L’espace et ce qui l’entourait sembla un instant tournoyer autour d’elle. Un sourire béat se dessina sur ses lèvres. Un tintement retentit. Les portes de l’ascenseur allaient s’ouvrir pour lâcher la jeune femme à l’extérieur. Elle rouvrit les yeux et effaça toutes expressions de son visage. Les seuls effets demeurant de la drogue étaient la douce quiétude dans laquelle baignait la jeune femme. Chaque fois qu’elle usait un temps soit peu de ses capacités d’Extended, elle risquait de plonger dans de profondes crises de folies. Les drogues et autres narcotiques n’étaient qu’une solution intermédiaire pour les éviter.

Intégra se glissa prestement dans la foule compacte de la rue. Au détour d’une rue, elle obliqua et se dissimula dans un coin d’ombre. Elle fouilla dans la poche intérieure de sa veste de costume et en extirpa un sachet emballé dans un plastique épais. Elle en sortit une blouse qui avait été pliée et compressée de telle sorte qu’elle prenne le moins de place possible. Elle l’agita un instant pour lui offrir une forme convenable et l’enfila. Quelques inscriptions étaient cousues sur la poche de poitrine. On pouvait y lire : Intégra Syon, Médecin Légiste, Département 043i. Il s’agissait d’une couverture idéale pour une informatrice et une tueuse. Les morts avaient bien plus à révéler qu’on ne pouvait le croire. Il était donc toujours avantageux de pouvoirs en tirer des informations ou au contraire de les faire taire. Dans le cas présent, la jeune femme allait attendre l’arrivée des forces de l’ordre pour s’introduire sur la scène du crime qu’elle avait elle-même commis. Elle aurait alors tout le loisir de contempler son meurtre et sa mise en scène. Et puis, ainsi, elle pourrait effacer définitivement les moindres indices.
Cinq minutes. Il avait fallu cinq longues minutes pour que les premières équipes de police se rendent sur les lieux du crime. Intégra s’était alors dirigée vers l’appartement après les indications données et l’appel qu’on lui avait passé. Calme, elle n’avait rien laissé paraître. Elle ne laissait jamais rien paraître. Elle entra timidement sur les lieux du crime, se présenta. On la laissa entrer. Elle posa sa mallette près d’elle et occulta rapidement le corps de sa propre victime. L’analyse fut brève. Elle fit un rapide constat au supérieur responsable de l’affaire. Des hommes n’allaient pas tarder à arriver pour relever le corps et l’emmener. Intégra, peu intéressée par toutes l’agitation concentrée dans l’étroit appartement, alla attendre patiemment dans le couloir. Il fallait encore qu’elle attende. Le temps lui paraissait si long, surtout sous l’emprise des drogues. Elle s’appuya contre le mur, d’un air indolent.

Elle repéra alors un mouvement sur sa droite. L’étage avait été bouclé pourtant un homme à l’allure des plus banales venait d’y pénétrer. Elle le détailla du coin de l’œil. Rien dans son apparence ne retenait le regard. Son visage, ses airs fatigués et sa démarche flegmatique traduisaient tout d’un homme terni par le travail et la monotonie. Il y avait pourtant quelque chose dans son allure qui la dérangeait. Cela paraissait trop banal à ses yeux. Cet homme feignait l’indifférence face à la scène qui se déroulait à l’étage. N’importe qui de sensé l’aurait fait compte tenu des temps chaotiques que traversait cette époque. Son indifférence était pourtant trop surfaite et superficielle. Il manquait cette lueur d’intérêt qui animait chaque petit travailleur à la recherche d’un détail s’écartant de sa douce monotonie. Intégra fronça les sourcils. L’homme passa devant elle, croisa son regard l’espace d’une fraction de seconde et continua sa route. Il habitait un appartement voisin à celui de sa victime. Peut-être la connaissait-il, peut-être avait-il idée des activités officieuses qu’elle menait ?

Décidément trop méfiante, la jeune femme ne pouvait se permettre d’ignorer de tels détails. Elle tenait à ce que tout soit parfaitement ordonné. Intégra pénétra l’appartement de la victime et s’adressa à l’homme chargé de l’enquête.

- Il me semble que son voisin de pallier était déjà là quand je suis arrivée. Peut-être a-t-il pu percevoir quelques indices qui pourraient nous aider. Je vais tâcher de lui poser quelques questions et d’en apprendre, au moins, un peu plus sur la victime.

Ce n’était absolument pas le travail d’Intégra que d’interroger de possibles témoins ni de récolter des informations sur une victime. Cependant, son air déterminé et son ton sans appel avaient su convaincre l’homme. Il s’était contenté d’acquiescer en la remerciant pour son initiative. Il lui paraissait sans doute naturel qu’un médecin légiste se renseigne sur les habitudes de sa victime pour déterminer plus précisément les raisons de sa mort. Intégra se retint de lâcher un sourire méprisant à l’adresse de cet homme. Il était tellement naïf. La jeune femme ne s’attarda pas plus longtemps et se rendit rapidement à la porte voisine. Elle frappa brièvement le bois et attendit qu’on lui ouvre. Elle perçut des bruits de pas. Avant que la porte de s’ouvre, elle emprunta un air légèrement soucieux. La porte s’entrebâilla pour laisser apparaître des yeux fatigués et un air morne. On ne lisait aucune surprise dans les yeux de l’inconnu.

- Excusez-moi, je suis le médecin légiste responsable du meurtre qui vient de se produire, celui de votre voisin de pallier. On m’a chargée de venir vous poser quelques questions pour en apprendre davantage sur la victime. Accepteriez-vous que nous discutions un peu ?

Elle termina sa question sur un sourire courtois et légèrement timide. Elle s’était arrangée pour insuffler suffisamment d’hésitation à sa voix afin de montrer à son interlocuteur son manque d’expérience en matière d’investigation. Après tout, il était bien connu que les médecins légistes n’avaient d’affinités qu’avec les corps parfaitement inertes. Et puis, il s’agissait d’une technique souvent efficace pour mettre en confiance de plausibles témoins.

Revenir en haut Aller en bas
http://abysse-yclette.deviantart.com/
Odyssée L. Nerval
Congrégation
Congrégation
Odyssée L. Nerval

Féminin
Messages : 18
Localisation : Lyon.
Emploi : P1, toute une histoire.

Profil
Niveau: 00
Votre couverture: //
Jauge d'Expérience:
This is the End, my only Friend [Odyssée] Left_bar_bleue700/700This is the End, my only Friend [Odyssée] Empty_bar_bleue  (700/700)


This is the End, my only Friend [Odyssée] Vide
MessageSujet: Re: This is the End, my only Friend [Odyssée]   This is the End, my only Friend [Odyssée] I_icon_minitimeLun 10 Jan - 22:42

« This is the noise that keeps me awake ;
Push it, make the beats go harder. »

Je m’étais souvent interrogé sur l’utilité que pouvait trouver un miroir dans un ascenseur. J’avais commencé par me dire que ce devait être là une astuce, histoire de donner au claustrophobe l’illusion que son espace vital était plus grand que ce qu’il n’y paraissait. Puis qu’on avait décidé de l’y mettre là à des fins décoratives relativement discutables. Ce soir, toutefois, j’eus la certitude que la surface réfléchissante n’avait pour but que celui de retourner à son vis-à-vis l’image la plus dégradante dont ses stocks disposaient. Et pour le coup, ça n’avait pas loupé. Quasi obsolètes, installés au plafond de la cabine, les néons dispensaient une lumière chiche, des plus ingrates ; cet éclat artificiel, le premier, se chargeait d’agresser les reflets, soulignant d’ombres huileuses le moindre de vos traits. La pluie diluvienne dont Chicago faisait actuellement les frais n’arrangea rien, elle non plus, à l’image que me retournait le miroir.

Ce dernier surplombait un petit écran, où un couple de chiffres d’un rouge malade me tenaient pour témoin du défilement des étages. L’élévateur n’avait pas apprécié les outrages du temps ; il commençait en outre à dater, et signalait par des pannes fréquentes et une lenteur toute particulière son grand âge. Rien à voir avec celui dont disposait l’usine où j’avais passé la journée. Un soupir m’échappa, se ménageant une voie de sortie entre mes lèvres pincées – j’étais claqué, je ne rêvais que d’une douche et de rejoindre mon lit, mais j’allais devoir prendre mon mal en patience. Une poignée de secondes firent leur jeu, après quoi je fus de nouveau tout à la contemplation de mon reflet. Bien sûr, être trempé n’avait par défaut rien de reluisant. Mais tout de même. En m’approchant, je me découvris des cernes avant de constater que ceux-ci, traîtres, avaient poussé leur invasion jusqu’aux coins de mes yeux, pour entreprendre de grignoter les ailes de mon nez.
Je fronçai les sourcils sous une boucle trempée. Ça, ça n’allait pas du tout. Mon teint blafard, la vacuité de mon regard, le désordre face auquel mes cheveux s’étaient inclinés ; cela ne choquait plus. Au contraire, ces faux détails contribuaient à banaliser mon physique, pour faire de moi un mec passe-partout, un fantôme dont on ne notait pas les allées et venues. Ces cernes aux allures d’yeux au beurre noir, en revanche, posaient un tout autre problème … Qu’un type du département de R&D me trouvât l’air d’être au bout du rouleau n’était pas exactement le genre de risque que je pouvais m’autoriser à prendre. Et que l’on s’intéressât de trop près au cas d’Odyssée Lynn Nerval, mollusque de son état, figurait comme le dernier de mes vœux. Après tout, la larve que j’étais n’était pas censée posséder suffisamment d’états d’âme pour se fatiguer à quoi que ce fût. La tronche de cadavre fraichement déterrée que j’affichais, elle, insinuait le contraire.

Je rompis d’un pas, comme pour échapper aux coulures violacées ayant colonisé mon visage. J’appuyai mon dos contre la paroi métallique, indifférent au roulis que la mécanique laissait entendre. Puis je me raisonnai. La paranoïa n’avait jamais été ma marque de fabrique ; et quand bien même j’aurais eu l’impression d’être surveillé par quelqu’un d’autre qu’un collègue hargneux du bureau, un soupçon d’intuition m’en aurait averti. Or, actuellement, rien n’indiquait que j’étais la cible d’un regard plus appuyé que ceux qui glissaient sur moi d’ordinaire. J’étais juste nerveux – une façon de faire du zèle. Je n’avais pas de raison de me poser des questions. Je n’étais rien de plus qu’une tapisserie ; prisonnier du miroir, mon reflet m’adressa un sourire godiche. C’est ça, Od. T’es qu’une tapisserie. A la naissance, il te manquait quelques jours de cuisson. T’as pas l’air méchant, mais t’es qu’un loukoum. T’es un yaourt, Od. On sautera ton tour quand tu seras censé passer à la postérité. Car au-delà du béton, du verre et de l’acier, s’activaient des milliers de mes clones – des gens un peu paumés, oublieux d’eux-mêmes, penchés sur la petitesse de leurs vies. Et ceux-là, on ne les soupçonnait pas. On ne s’en souvenait pas non plus. On les coupait au montage d’un reportage télévisé pour peu que la caméra eût dérapé sur leurs silhouettes. Parce qu’ils n’avaient pour eux que l’affliction d’une banalité autarcique. Alors on les plaignait, et c’était tout – le figurant qui crevait dans les coulisses, il n’était rien de plus que de la chair à canon.
Souris, Od. T’es pas filmé.

L’ascenseur s’ébranla, comme pour exulter sa fierté à l’idée de m’avoir mené à bon port. Une tension abdominale, un balancement de mon corps ; je me redressai, quittant mon appui. L’espace d’un instant, je me penchai et ma main cueillit la poignée du sac que j’avais laissé choir sur le sol. La recherche de mon trousseau de clés, le temps que les portes de la cabine s’ouvrissent, m’apprit à quel point j’étais satisfait de retrouver mon appartement. La journée n’avait pas été mauvaise, certes – sauf qu’elle n’avait pas pour autant été bonne … Sacrifier douze heures à un écran. Passer en revue les rapports de l’unité de production en attente de mon aval pour en arriver aux essais. Bouffer un truc dégueulasse, rentrer sous la pluie ; rien de bien palpitant. A croire que mes seuls amusements, dans ce type d’emploi du temps, étaient de jouer l’abruti. Et j’avais beau retirer du plaisir à en donner l’impression, la végétation intellectuelle n’était pas mon fort.

J’eus un mouvement de recul lorsque, quittant l’ascenseur, je déboulai dans le couloir au bout duquel s’ouvrait mon logement. Loin d’être vides, les lieux grouillaient de gens qui, de par la catégorie à laquelle ils appartenaient, me donnèrent presque envie de retourner à l’usine – des flics. Une bonne quinzaine de flics, hommes et femmes, uniformes à l’appui. Il régnait là une agitation certaine, de celles qui n’avaient pas besoin de gros titres dans les journaux pour vous faire comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une pendaison de crémaillère. Mon regard accrocha le cordon de strap jaune que l’on avait tendu en travers du couloir, puis le va-et-vient des experts par le biais d’une porte ouverte, celle-là même de mon voisin de pallier. J’aperçus deux ou trois personnes vêtues de blouses blanches ; tous avaient l’air sombre et soucieux.
Mon premier instinct fut de tourner les talons. L’étage avait l’air d’être bouclé, il n’y aurait très certainement rien eu de douteux à faire demi-tour. A ceci près qu’il n’y avait aucun intérêt à la manœuvre. Qu’aurais-je fait, de retour dans mon ascenseur ? Je me serais poudré le nez ? Un peu de rouge à lèvres, de fard à paupières, avant de sortir et de me retrouver sous la flotte ? Ouais, pis tu aurais passé la nuit en boîte. Alors non, je n’en fis rien ; je me contentai d’attendre derrière le cordon, en brave yaourt insouciant. Je ne demeurai pas en faction bien longtemps. Un policier hasarda un coup d’œil en direction de ma personne et je le hélai, tâchant d’adopter la mine surprise du badaud qui ne comprend pas tout.

« J’habite à cet étage », lui signifiai-je alors qu’il approchait.

Il me jaugea du regard. L’homme irradiait la tranquille assurance de ceux qui avaient l’habitude de prendre les choses en main, et je reconnus en lui un officier au tempérament calme, presque ennuyé d’avoir à s’adresser à ce qui ressemblait à un adulte un peu attardé. Je lui offris mon sourire le plus vide et, lorsqu’il me la demanda, la main où sommeillait mon I.S.C. Les pattes d’oie qui apparurent au coin de ses yeux trahirent son visage de marbre, qu’il conserva pourtant : il trouvait mon prénom ridicule. Tant mieux, parce que j’étais ridicule. Ridicule à un point qu’il n’imaginait pas encore. Le monde était peuplé d’ennui ; et moi, j’en étais le représentant le plus loyal, le serviteur le plus fidèle. Mais ça, il n’allait pas tarder à le découvrir.
Avant que le flic ne pût saisir sa chance de m’expédier dans l’hôtel le plus proche, je me mis à lui parler, d’une voix qu’une hypothétique inquiétude feutrait. Il ne tint pas longtemps face à cet afflux de conneries ; très vite, il m’autorisa à passer, à partir du moment où je ne quittais pas mon studio. Satisfait, je me faufilai sous le strap, avant de me diriger vers mon appartement. Derrière moi, le flic m’enjoignit une dernière fois de laisser ma sonnette branchée, pour le cas où ils auraient des questions à me poser, et j’acquiesçai. Les collègues de mon bienfaiteur me laissèrent passer sans poser de questions et, arrivant au niveau du pallier de mon voisin, je risquai un coup d’œil à l’intérieur. Brièvement. Avec cet air entendu qu’avaient les curieux certains d’être trop discrets pour être repérés. Recouverte d’un drap blanc, une forme humaine semblait cristalliser l’attention des personnes affairées dans la pièce. Je me détournai sans m’attarder plus longtemps sur les faisceaux que jetaient des projecteurs sur la silhouette allongée. Je poursuivis mon chemin, de cette démarche gauche qui cadrait si bien avec mon personnage.

Intérieurement, je me sentais bouillir. Ou plutôt, geler. Il me semblait qu’un cube de glace s’était mêlé d’apparaître dans mon ventre, prenant mes entrailles dans le gel, leur imposant sa morsure pernicieuse. En soi, je me fichais comme d’une guigne de la mort de mon voisin. Le bonhomme et moi ne nous étions jamais adressés plus qu’une salutation ouatée en nous croisant dans le couloir ; je n’allais pas prétendre d’être peiné par sa disparition. C’était plutôt ce qu’elle impliquait et les questions qu’elle soulevait qui m’ankylosaient. Quelles raisons à ce qui ne pouvait être autre chose qu’un assassinat ? Devais-je m’inquiéter de ce que l’on frappât si près de chez moi ? Après tout, la Congrégation n’était pas à l’abri d’une fuite, ou d’une infiltration … Arrête. Tu réfléchiras plus tard.
Afin de donner le change, j’enfouis ma main libre dans ma poche ; je me répétai, en silence, les arguments utilisés plus tôt dans l’ascenseur pour me calmer. Rien n’y fit véritablement, cependant, et lorsque je pris une inspiration, l’air me parut vicié. Mon rythme cardiaque s’éleva dans la seconde qui suivit, alors que l’impression de malaise qui me taraudait s’accentuait. Il me restait une dizaine de mètres à parcourir avant d’atteindre la porte de mon appartement mais pour l’heure, il me semblait qu’il s’agissait plutôt d’un kilomètre. Je n’étais pas certain de savoir ce qui se passait. La scène que je vivais, dans sa globalité, avait de quoi perturber n’importe quel terroriste ; pourtant je devinais que ma nervosité ne tirait pas sa force d’une source unique.

Et soudain, je les sentis. Deux yeux braqués sur moi. Instinctivement, je levai la tête dans une direction qui me semblait toute tracée, pour rencontrer la silhouette d’une femme, laquelle se tenait à l’entrée du studio de mon ex-voisin. La blouse qu’elle portait la désignait comme médecin légiste. Le temps d’un battement de cœur, nos regards se croisèrent, et les iris de glace qui me détaillaient me laissèrent un arrière-goût âpre. Un peu comme celui qu’apportait une bouchée d’un fruit n’étant pas encore arrivé à maturité. L’échange visuel ne dura qu’une fraction de seconde, et si mes traits surent conserver leur expression neutre, j’eus l’intuition que cette femme était à l’origine de mon malaise, ce qui eut de quoi me surprendre plus encore. En outre, elle ne passait pas inaperçue : même après m’être détourné pour reprendre mon chemin, son image continuait de danser sous mes yeux en négatif. Comme si elle avait décapé ma rétine pour y apposer sa marque, d’un fer chauffé au bleu.
De haute stature, je supposai qu’elle était plus grande que moi. La cascade d’or blanc venue encadrer son visage n’était pas suffisante pour adoucir les angles de ce dernier. D’ailleurs, songeai-je en déverrouillant ma porte, je n’avais pas aimé l’expression qu’elle affichait. Je me doutais bien qu’un médecin légiste avait tout à gagner à rester froid, sauf qu’il y avait plusieurs nuances de froid : neutre, mordant, polaire … Pour toi, ce sera « incisif ».

La fermeture du battant, dans mon dos, n’arrangea en rien mon état. L’instinct qui, plus tôt, m’avait enjoint de quitter l’immeuble tant qu’il en était encore temps, se répandait en remarques acerbes dans un coin de ma tête. Lorsque je parvins à le faire taire, au prix d’un verre de vin, ses braiments cédèrent la place à un silence qui me glaça un peu plus. Subsistaient deux choses : la certitude que la jeune femme se trouvait à moins de vingt mètres de moi, et une sensation, plus diffuse, plus corrosive aussi, d’être coincé.
Une forme de résignation me fit pivoter vers l’entrée de mon logement. Peut-être était-ce pour ça que, quand on frappa à la porte, je me calmai instantanément. Pas de dissensions pour me faire douter, nulle agitation venue me troubler. Entr’ouvrir le battant me donna raison – se présentait, de l’autre côté, le visage dur de ma vis-à-vis. Je notai qu’elle avait arrimé un sourire sur ses lèvres, toutefois mes phalanges blanchirent sur le chambranle, hors de sa vue. Oui, le monde est peuplé d’ennui, mais toi …

« Excusez-moi, je suis le médecin légiste responsable du meurtre qui vient de se produire, celui de votre voisin de pallier. On m’a chargée de venir vous poser quelques questions pour en apprendre davantage sur la victime. Accepteriez-vous que nous discutions un peu ? »

Fais pas le con, Od. Fais ton sourire de dinde, propose-lui d’entrer. Réfléchis, et offre-lui l’Odyaourt qu’elle préfèrera. Evite juste de lui filer le périmé.
J’ouvris un peu plus la porte, de façon à m’imposer dans son encadrement. Je ne l’invitai pas à entrer. Je ne l’accueillis pas avec cette diarrhée verbale que j’avais infligée au flic, tout à l’heure. Je ne la saluai pas non plus, pas plus que je ne fis part de cet étonnement que j’aurais dû éprouver. Je sentais juste mes traits se figer sur cet air neutre que mon corps, inconsciemment, avait dû définir comme un mécanisme de défense. Et, finalement, un sourire joua sur mes lèvres, les éclairant de cette ombre qui m’avait saisi :

« Je suppose que c’est normal, alors oui … Je m’appelle Odyssée Nerval. Je doute de vous être vraiment utile, mais allez-y. »

Cette voix qu’elle avait voulue chantante, son air hésitant ; tout cela me donnait l’impression de l’observer au travers d’une vitre blindée, que l’on aurait criblée de suffisamment de balles pour y étendre un réseau de craquelures. Un peu comme une toile d’araignée – à échelle humaine.
Revenir en haut Aller en bas
 

This is the End, my only Friend [Odyssée]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
 :: Amérique du Nord :: Chicago-

Créer un forum | ©phpBB | Forum gratuit d'entraide | Signaler un abus | Forum gratuit