L'Ours et la Voleuse [PV: Kayla]

Congrégation || Capitaine des Forces d'Intervention

La pluie tombait depuis quelques minutes maintenant à l'extérieur, Bradley, par chance, se trouvait à l'abri actuellement, bien installé au comptoir de ce bar à l'ambiance plutôt tranquille. Généralement pourtant, il n'aimait pas trop ce genre d'endroit, il préférait les lieux avec un peu plus de mouvement, ceux dans lesquels il arrivait fréquemment que les gens se battent pour une histoire de place ou de fille. Le problème était que dans l'état actuel où il se trouvait, il n'était plus d'humeur à rien du tout, aucune réel envie de batifoler avec des filles, et encore moins envie de se battre, bien entendu, il en serait capable, car bien que quelque peu affaibli, il était bien plus violent que d'habitude quand il s'y mettait. S'il arrivait qu'on le titille ne serait-ce qu'un tout petit peu, il réagirait vite et de manière excessive, risquant par la même occasion de finir en prison, et même s'il pouvait compter sur la Congrégation pour le sortir d'une telle situation, il préférait éviter tout risque inutile. Tout cela expliquait pourquoi il avait choisi de se rendre dans un bar tranquille plutôt que dans un bar bruyant et bondé, le but était simplement de restreindre ses pulsions violentes. Avec la musique douce et les boissons contenant le moins d'alcool possible, il avait toutes les chances de parvenir au calme absolu, à moins qu'un élément perturbateur ne vienne gâcher ses efforts.

Le Curtis était en train de siroter sa boisson sans penser à rien de particulier, il ne faisait que regarder son verre lorsque son esprit commença à s'égarer. Il se rappela alors ses dernières actions avec la Congrégation, quelques semaines plus tôt, il avait encore perdu un camarade au cours d'une escapade périlleuse. Le but de la mission avait été de libérer quelques personnes qui venaient tout juste de s'être faites capturer par les hommes de l'Imperium pour une raison inconnue et qui n'intéressait même pas l'ancien footballeur. Pourquoi ça ne l'intéressait pas ? Tout simplement parce que pour lui, il n'y avait besoin d'aucune explication particulière pour décider ou non d'intervenir dans le but de servir la Congrégation. Il les avait rejoint parce que leur objectif était de mettre fin à la tyrannie exercée par l'Imperium, et donc, tant que ses actions les embêtaient, il les effectuait sans se poser plus de questions que cela. Il était confiant, sûr de lui, enfin pas actuellement, mais lorsque les conditions étaient au rendez-vous, il n'hésitait pas à se jeter dans la gueule du loup s'il le fallait. Pour le moment, il se contentait de se reposer, de manger et de boire autant que possible, préparant des réserves pour l'hiver, un peu comme un animal qui se préparait à hiberner. Et c'était exactement ce qu'il faisait. Enfin bref, le fait de repenser à cette nouvelle perte le rendait triste, et toute une succession d'autres souvenirs lui revinrent en tête, des images de lui et de cet ancien acolyte, ils se chamaillaient comme des gamins et Bradley l'envoyait se manger une porte sans le faire exprès, l'autre répliquait en lui balançant une chaise à la figure !! Ce rappel le fit rire un moment, sauf que le souvenir de sa mort revint juste après et il s'arrêta net, se concentrant de nouveau sur son verre pour éviter de verser une larme...

Ce bar était un peu comme une cachette secrète pour cet homme. Il savait que personne n'irait jamais le chercher dans un tel endroit, on jugerait que c'était indigne de lui si on le connaissait un petit peu. Par contre, si on le connaissait très bien, il n'était pas compliqué de comprendre pourquoi il était là: il était dans sa plus mauvaise phase au niveau psychologique, tout d'abord parce qu'il était déprimant, pensant sans arrêt à des souvenirs tristes, mais aussi parce qu'il était à fleur de peau, c'était-à-dire qu'il s'énervait pour un rien, parfois, même un simple "bonjour" pouvait le faire sortir de ses gonds. Quoiqu'il en soit, il n'avait pas l'intention de sortir de ce bar de si tôt, pas tant que la pluie continuerait de tomber en tout cas. Il était épuisé, il n'avait fait aucun effort pourtant, il avait beau s'être rendu ici à pieds, il n'habitait pas très loin, la seule chose qui l'épuisait, c'était le mauvais temps. Plus il faisait moche à l'extérieur, plus il se sentait fatigué, et avec la pluie, c'était encore pire, il était à deux doigts de s'endormir quand il décida de changer de place. En effet, le comptoir n'était pas très confortable pour dormir et pour éviter des histoires avec le barman, que celui-ci pourrait regretter très vite, il se leva de sa chaise et se dirigea vers l'une des table du fond. Une douce mélodie résonnait dans l'air quand il s'installa à la table la plus éloignée du bar, là, il s'assit sur la chaise qui se trouvait du côté du mûr, histoire de pouvoir s'appuyer dessus en même temps pour somnoler en paix. Il savait qu'il ronflait, mais il s'en fichait complètement, avec un peu de chance, la musique couvrirait ses grognements bestiaux.

Il était sur le point de s'endormir quand quelque chose retint son attention, il ne savait comment l'expliquer, mais il sentit le besoin de garder les yeux ouverts et de lever son regard en direction de la porte d'entrée. Une odeur enivrante venait de faire son apparition, et avec la chaleur du bar qui le gagnait petit à petit, il sentait certains instincts chez lui qui se réveillaient, pas de manière aussi intense que s'il se promenait sur la plage un jour d'été, mais il trouvait que c'était déjà un début. Il se sentait un tout petit mieux, mais pas suffisamment pour qu'il se lève de suite et décide de faire du rentre-dedans à cette femme qui sentait très bon. A travers ses lunettes, il pouvait voir qu'en temps normal, elle serait tout à fait son genre, il les retira alors pour mieux la voir et sans le faire exprès, sans doute à cause d'un vieux réflexe, il lui adressa une œillade !! Il ne savait pas trop si elle l'avait vu ou pas, et espérait que ce n'était pas le cas, d'ailleurs, il remit ses lunettes en vitesse et se mit à regarder la table, cherchant à faire comme si de rien n'était. Intérieurement, il se maudissait de ne pas avoir sur se contrôler dans un tel moment, mais surtout, il regrettait de l'avoir rencontré en novembre et non en mai ou juin, car ça n'aurait pas du tout été la même chose. Premièrement, il se serait levé et serait allé directement à sa rencontre, il ne serait pas resté assis sur sa chaise à raisonner comme un jeune qui ne savait absolument pas comment s'y prendre pour l'attirer dans ses filets. Deuxièmement, il serait de meilleur humeur et bien plus en forme qu'il ne l'était en ce moment même. Et enfin, il n'en serait pas réduit à souhaiter qu'elle n'ait pas remarqué son clin d'œil. Il était presque en train de prier pour que ce ne soit pas le cas. Bradley, yeux fermés, prit alors une profonde inspiration et sentit malheureusement l'odeur si particulière de cette femme, encore plus fortement qu'avant, c'était à croire qu'elle s'était rapprochée !! Il ouvrit donc les yeux pour vérifier et murmura d'une voix qui était sans doute audible pour quelqu'un se trouvant près de lui:

"Y'a des jours comme ça où on aimerait se foutre une balle !!"

Il n'en croyait pas ses yeux ! Bradley eût subitement l'envie de se jeter du haut d'un gratte-ciel ! Il se demandait sérieusement comment il avait pu se mettre dans une telle situation...

*Voleuse Compulsive*

Du bout de ses doigts gantés, la jeune femme effleura l'épaule d'un serveur. Elle prendrait un café, rien de plus. Sans sucre. L'odeur doucereuse qui émanait autour d'elle suffisait amplement, on pouvait d'ailleurs avoir l'impression que son parfum avait le don de stopper le temps autours d'elle, chacun suspendait ses gestes pour lui glisser un regard. Était-elle belle ? Sans doute, probablement, mais ce n'était qu'une question de goût. Mais elle avait de la prestance. De l'allure. Et de l'assurance. De grands yeux verts qui semblaient s'étirer à l'infini, luisant d'une malice surprenante, jusqu'à se profiler dans la chevelure soyeuse couleur noisette qui lui dégringolait dans le dos, lui conférant comme une aura sensuelle et princière. Le court blouson de fourrure fauve qu'elle avait sur le dos pour se protéger des frimas de la saison coula le long de ses reins, alors qu'elle l'ôtait pour se mettre un peu plus à l'aise, non sans déployer au vu et au su de tous un décolleté argenté. Sa peau même, pâle et frissonnante, avait l'air agitée d'éclats et d'étoiles minuscules.

Un homme se leva, lui proposant sa place avec la galanterie de ceux qui ne veulent pas séduire mais simplement faire preuve de respect envers une dame. Quel age lui donnait-on ? Impossible à définir, ses traits étaient trop doux, son menton trop affirmé, si bien que les jeunes levrauts comme les vieux loups pouvaient tout autant se sentir charmés par ses regards et sa grâce. Mais elle déclina la proposition, ça n'était pas là sa place. Au fond de la salle, c'était l'ours mal léché qui l'attendait plutôt. Elle avait remarqué ses gestes, son inconfort mêlé de la tentation de la voir s'approcher. Comme l'on tend la main vers les flammes en voulant se réchauffer au risque de se brûler.
L'homme, après tout, n'était qu'un animal. Un concentré d'instincts primaires, de désirs, de besoins. Qu'elle était belle, l'espèce humaine, du haut de sa prétention...
Elle s'approcha.
Elle l'observa.

-Mieux vaudrait laisser ce soin au Gouvernement, non ?

Ses pas, longues jambes vêtues d'un jean délavé, presque blanc, comblèrent la distance qui séparait la jeune femme de l'homme au fond du bar. Toute son attention était tournée vers lui, elle ne pouvait pas feindre d'ignorer ses paroles. S'armant de son sourire, et inclinant légèrement la tête pour le saluer, l'altière demoiselle tira une chaise et s'installa en face de lui. Il avait bien l'air un peu bourru, ronchon même. Cependant plus que n'importe qui d'autre il semblait avoir besoin d'un peu de compagnie, ne serais-ce que pour lui remonter le moral. Porter des lunettes de soleil en intérieur était forcément le signe d'un certain besoin d'effacement.

-J'espère ne pas trop m'imposer... Mais je dois avouer que vous avez attiré ma curiosité.

Menteuse. Hypocrite. Manipulatrice.
Kayla jubilait intérieurement, c'était si bon d'avoir plusieurs longueurs d'avance...

Congrégation || Capitaine des Forces d'Intervention

En effet, s'il avait pu, Bradley se serait tiré une balle dans la tête en cet instant même. Il était en train de se dire que c'était la meilleure solution pour lui s'il tenait à ne pas devenir fou. Bien entendu, personne autour de lui ne pourrait comprendre la raison d'un tel acte ou même simplement de cette soudaine envie de mourir. L'explication était simple. Imaginez que vous soyez enfermé dans une pièce, et qu'au milieu de cette même pièce se trouve une tarte, une magnifique tarte et qui vous fait envie. Malheureusement, même si tout votre être désire cette tarte, et que son odeur vous envahit tellement l'esprit que la seule chose à laquelle vous pensez est de la dévorer, vous vous rendez compte que vous n'avez pas de bouche pour la manger ! Ne serait-ce pas horrible ? Éprouver un tel désir pour quelque chose et ne pouvoir le satisfaire à cause d'un manque de moyen ! Dans ce cas-ci, la tarte était cette très belle femme, et l'absence de bouche pour manger représentait l'affaiblissement physique du Curtis. Comprenez-vous un peu mieux à présent pourquoi Bradley avait envi de se tuer dès lors qu'il avait senti que cette femme se rapprochait de lui ? Et bien, c'était parce que c'était un véritable calvaire pour lui de subir ce genre de torture à peu près chaque année et à la même époque de l'année.

Ainsi, une véritable lutte interne avait lieu entre le corps et l'esprit de cet ancien sportif même s'il ne laissait presque rien paraître à l'extérieur. Il avait une expression dure sur le visage, il était donc aisé de comprendre qu'il n'était pas d'humeur à rigoler, et si cette femme venait pour le chercher, elle ferait mieux de trouver une nouvelle cible. Voilà qu'elle lui proposait de laisser au Gouvernement le soin de le tuer ! Sur le coup, il eût envi de rigoler, intérieurement en tout cas, il était mort de rire, mais extérieurement, il n'eût pas le moindre sourire. Pour lui, si on lui parlait de Gouvernement, on faisait forcément référence à l'Imperium, et sachant que son objectif était de se débarrasser de cette puissance. Lui proposer de se faire tuer par eux était vraiment une blague, il préférerait encore glisser sur une flaque d'eau et se briser le crâne sur le trottoir, bien qu'il ne soit pas sûr que ça le tuerait... Il leva donc ses yeux vers elle et la regarda sourire, c'était à croire qu'elle savait ce qui l'énervait et qu'elle jouait dessus pour le faire enrager. Sa main gauche se trouvant sous la table se serra alors, il faisait tout pour s'empêcher de quitter ce bar en courant, il était vraiment frustré et ne le supportait pas du tout ! Lui qui était si confiant d'habitude, voilà que cette femme était en train de le briser mentalement.

Elle le salua d'un signe de tête et il lui rendit son salut. Puis, elle tira la chaise se trouvant devant lui et s'installa dessus. Bradley commença alors à se poser des questions. Depuis quand était-ce si facile d'attirer une femme vers soi ? Il ne lui avait adressé qu'un bref clin d'œil et elle avançait directement vers lui pour s'asseoir juste en face. Pourtant, un gentleman lui avait proposé une place sans pourtant chercher à la séduire... C'était à croire que le grand black l'avait attiré comme du sang pour un requin ! Ce n'était vraiment pas normal tout ça ! Mais le plus bizarre dans tout ça, c'était quand même que le Curtis se posait des questions ! Depuis quand réfléchissait-il ? Décidément, il allait vraiment finir par craquer à cause de tous ces changements psychologiques dû à la météo. La vie serait tellement plus simple pour lui s'il n'avait pas subi les changements dus aux retombées radioactives. Néanmoins, il ne regrettait absolument pas ce qu'il était devenu, il aimait sa vie, même si pour l'instant il lui en voulait de lui faire subir une telle tentation. Elle lui fit remarquer qu'il avait attiré son attention, comme d'habitude son expression ne changea pas. Il s'adossa donc à sa chaise et lui répondit d'un ton las:

"Ah ouais !? Je ne vois franchement pas en quoi, mais bon, je peux te retourner la remarque. Ton odeur m'a subjugué lorsque tu es entrée. C'est un parfum ou ton odeur naturel ?"

Oui. Il la tutoyait alors qu'elle l'avait vouvoyé. Où était le problème ? Il n'allait quand même pas s'abaisser à lui faire ce plaisir alors qu'elle était la cause de ses tortures psychologiques. Elle était à l'origine de sa rigidité soudaine, et la pluie à l'extérieur n'arrangeait absolument rien. Alors qu'il devrait être en train de lui parler d'égal à égal, il se sentait intimidé par elle. Intimidé dans le sens où elle avait une certaine emprise sur lui qu'il n'avait pas sur elle. C'était vraiment effrayant pour lui de se sentir à ce point faible et vulnérable face à elle. Si ses acolytes étaient là, il filmerait sans doute la scène et se la repasserait en boucle jusqu'à la fin de leurs jours, rien que pour savourer l'évènement: Bradley intimidé par une femme et incapable d'agir !! Le regard de l'ours, couvert par ses lunettes noires, se mit à détailler la jeune femme, passant de ses yeux verts à sa chevelure couleur noisette, avant de continuer de descendre. Il s'attarda un moment sur son décolleté, il dut bien rester quelques secondes dessus. En principe, elle ne pouvait voir ce qu'il regardait grâce à ses lunettes, mais même si ce n'était pas le cas, c'était elle qui avait choisi de s'installer face à lui, elle n'aurait qu'à prendre sur elle ou partir (c'était peut-être ce qu'il recherchait d'ailleurs). Soudain, ses yeux fusèrent droit vers le blouson qu'elle avait retiré en entrant, il vit alors la fourrure qui le recouvrait et souleva un sourcil interrogateur:

"C'est de la fourrure de quoi ?"

Question inutile ? Pas pour Bradley. En effet, depuis qu'il savait que ses capacités provenaient de l'ours, il avait développé un certain lien avec les animaux, et il espérait pour elle que la fourrure qu'elle portait ne venait pas d'un de ses cousins, s'il pouvait considérer les ours comme tel... Il patienta tranquillement, se demandant ce qu'elle allait bien pouvoir lui répondre, et surtout de quelle manière elle allait réagir. Une chose était claire: cette femme l'intriguait.

*Voleuse Compulsive*

Les longs cils de la jeune femme papillonnèrent un instant face à ce compliment. S'il parlait de son odeur, il voulait certainement dire ''parfum'', les hommes manquaient cruellement de sensibilité en ce qui concerne les femmes. Il n'y avait pas de quoi s'offusquer pourtant. Après tout, il était plus animal que les autres. N'était-il pas Bradley Curtis, l'ours ? Cela ne faisait aucun doute que son odorat était plu développé que la moyenne (même si ces derniers temps ou pouvait difficilement parler de normalité), et s'il avait perçu le parfum de la jeune femme il avait très certainement aussi sentit son odeur. Celle qu'elle cachait derrière une multitude d'artifices. Quelques relents musqués même étaient destinés à attirer l'attention des mâles sur elle pour faire oublier ce qu'il y avait derrière. Pour effacer Kayla.
Kayla n'existait pas. Elle avait bien un visage mais ne le montrait jamais. Un nom, mais ne le donnait jamais. Une vie qui était, finalement, une suite de supercheries et d'illusions. Pouvait-on alors appeler ça une vie ? Chaque seconde de son existence était orientée vers un seul but : voler. Des objets de valeur, tant qu'à faire.
On pouvait dès lors se demander ce qu'elle pouvait bien faire dans un bar en compagnie de cet homme grognon qui lui posait des questions bizarres. Il n'avait pas l'air d'être l'un des membres les plus éminents de l'aristocratie, ni un collectionneur d'œuvres d'art renommé, ni même un homme politique. Ce n'était qu'un gars aux airs afro-américains échoué dans un coin d'un pub. Mais elle avait entendu dire...
Les oreilles de Kayla trainaient partout. Elle prenait soin de mémoriser toutes les informations entendues lors de ses sorties, et bien souvent elle y trouvait de quoi ajouter un nouvel objet à sa collection et garnir un peu plus le tombeau du vieil homme sous la maison. Deux ou trois jours plus tôt quelqu'un avait évoqué un certain joueur de football américain, qui avait en sa possession un bon nombre de coupes dont certaines faisaient pâlir d'envie les collectionneurs. La preuve que même les bourrins savaient apprécier la subtilité de l'or finement ciselé. Voilà ce qui manquait à Kayla. Des trophées véritables.

Souriant toujours avec élégance et une pointe d'amusement, elle caressa la fourrure de son manteau d'une main chaude et généreuse, glissant les doigts entre les poils soyeux dont le vêtement était orné. Ça aussi, c'était un trophée. Kayla n'avait pas loupé le regard qu'avait lancé l'homme à cette toison animale. Est-ce qu'il pouvait en deviner la nature ? Pouvait-il sentir les effluves, synthétiques, naturelles ?
La jeune femme porta le vêtement à son visage et l'y plongea, humant longuement le parfum qui s'en échappait doucement. Le sien, en partie. Mais aussi l'odeur d'un cuir véritable, brut, solide.

-Je ne sais pas. De l'ours, peut être. Je l'ai trouvé beau alors je l'ai acheté, ça n'a que peu de valeur cela dit. Les ursidés maquent de... finesse, et d'élégance. Pas de quoi vraiment parer une dame.

Ses boucles couleur noisettes rebondirent autour de son visage mutin alors qu'elle riait légèrement, feignant de se trouver drôle, et culottée. Non. Culottée elle l'était. A croire qu'elle s'engageait volontairement sur une pente très dangereuse, puisqu'elle provoquait un ours. Elle avait entendu parler des étranges capacités de Bradley Curtis, qui avaient facilité sa carrière de footballeur. Elle savait ce qu'elle risquait de déclencher, elle s'était renseignée. Elle avait fait attention au moindre détail. Comme toujours.

-En tout cas ça tient chaud, ce n'est donc pas totalement inutile.

La séduction avait peut être marché sur cet homme brut. Mais il n'était visiblement pas enclin à lui céder. Restait cette provocation, ces piques comme celles que lance le Picador au taureau. Elle l'achèverait plus tard. Pour l'heure elle voulait simplement le faire réagir, pour le faire glisser avec lui sur la pente. Pour le reste, elle n'avait que l'embarras du choix. C'était tout calculé.
Il n'avait qu'à tomber dans le piège.

Congrégation || Capitaine des Forces d'Intervention

Bradley n'était pas du genre à mâcher ses mots, lorsqu'il pensait un truc, il le disait tout de suite, sans chercher à paraître délicat, poli ou ce genre de truc. Il ne se considérait pas vraiment comme un être humain en même temps, donc aucune chance pour lui de jouer les gentleman. Il avait beau aimé aider les gens, il n'était pas pour autant un gentilhomme, il se voyait comme un animal ! Obéissant uniquement à ses instincts, ce qui expliquait qu'il utilisait le terme "odeur" plutôt que "parfum". De plus, c'était une manière comme une autre d'entamer une conversation, non ? Elle était venue à lui, cela signifiait qu'elle souhaitait discuter en principe, lui n'avait rien demandé pourtant. S'il s'était assis tout au fond du bar, c'était pour une excellente raison, il avait voulu rester seul, histoire de pouvoir penser tranquillement ou somnoler paisiblement. Sauf que cette femme l'avait rejoint à sa table, et il ne savait pas du tout pourquoi. Faisait-elle parti de l'Imperium ? Elle était peut-être venue pour l'éliminer, n'avait-elle pas parlé du Gouvernement un peu plus tôt ? C'était tout à fait possible. Bon d'accord, son esprit divaguait un peu, sans doute à cause de ces films à suspense qui passent souvent à la télévision. Mais bon, avec la diminution de ses aptitudes particulières, il avait tendance à se sentir menacé par tout ce qui l'approchait. Là en l'occurrence, c'était cette femme qui s'était directement installée face à lui, comme si elle avait eu rendez-vous avec lui ou qu'elle était carrément venue pour lui.

Il était sûr de ne pas la connaître pourtant. Il en était même certain, il ne l'avait jamais rencontré auparavant, et le coup du "vous avez attiré mon attention", il n'y croyait pas trop. Paranoïaque ? Sans doute. Mais qui ne le serait pas dans ce genre de situation. Surtout qu'elle le provoquait sans vraiment s'en rendre compte. Quelle personne sensée irait s'installer face à Brad' "The Bear" Curtis en se trimballant avec de la fourrure d'ours sur le dos !!? Mis à part un suicidaire, il ne comprenait pas trop. Il était possible qu'elle ne sache pas qui il était, et dans ce cas-là, il pourrait comprendre qu'elle ne l'ait pas fait exprès, et donc, il devrait parvenir à calmer la colère qui bouillait en lui. Ou alors, elle savait parfaitement qui il était, mais elle le cherchait ! Peut-être que son intention était de le pousser à bout jusqu'à ce qu'il craque, elle était peut-être assise face à lui dans le but de tester ses limites. Mais quand même, si c'était au prix de sa vie, ce serait dommage. Fort heureusement, elle avait dit que c'était "peut-être" de l'ours, ce qui signifiait qu'il y avait des chances pour que ça n'en soit pas. Le Curtis décida donc de lui laisser le bénéfice du doute, mais mieux valait qu'elle évite de le chercher de nouveau sur les sujets qui fâchaient. Surtout qu'actuellement, la main gauche de l'ours tremblait, elle était posée sur son genou, mais ne pouvait s'empêcher de trembler. Son visage par contre resta impassible, il répondit simplement d'un ton toujours aussi las et endormi:

"Faut croire que les ours ne sont pas faits pour finir en fourrure..."

Préférant changer de sujet, l'ancien footballeur l'observa de nouveau à travers ses lunettes, et encore une fois ses yeux cherchèrent son décolleté, malheureusement pour lui, il n'obtint pas le résultat escompté. Il fallait croire qu'il avait bien trop froid pour pouvoir réagir normalement, c'était comme si son rythme sanguin ne réagissait pas en présence de cette femme pleine de charme. C'était à la fois une bonne et une mauvaise chose. Une mauvaise dans le sens où ça ne lui remontait absolument pas le moral, bien au contraire d'ailleurs, il se sentait "tout petit", il avait l'impression d'être un enfant incapable de faire quoique ce soit. Néanmoins, c'était aussi une bonne chose, car dans tous les cas, il n'était pas d'humeur à penser à "ça" en ce moment. Il avait la tête ailleurs, il se posait de nombreuse questions à propos de cette femme, ce qui ne l'amusait vraiment pas. Réfléchir n'était pas habituel chez lui, car ça signifiait qu'il y avait un problème. Le problème ici, c'était elle ! Son instinct lui dictait de ne surtout pas lui faire confiance, ce qu'il ne comptait pas faire dans tous les cas. Pour lui, il était impossible de faire confiance à quelqu'un qui ne se souciait que d'avoir chaud, et ce même s'il avait fallu sacrifier des vies innocentes juste pour un surplus de chaleur. C'était vrai, non ? L'animal dont la peau réchauffait actuellement cette femme était mort depuis longtemps: c'était un peu comme si elle portait un cadavre sur ses épaules...

Pour tenter de se détendre, Bradley sortit son paquet de cigarettes de sa poche, il en prit une qu'il plaça dans sa bouche avant de sortir son briquet d'une autre poche. Il l'actionna, embrasant ainsi le bout afin de pouvoir fumer. Il ne prit même pas la peine d'en proposer à son interlocutrice, il n'avait pas du tout l'intention de se montrer poli avec elle. Cependant, il comptait bien savoir ce qu'elle désirait vraiment, avant qu'il ne soit trop tard de préférence. Grâce à la nicotine, il parvenait à réduire sa tension, sa main cessa de trembler, et son expression se détendit un peu. Il était plus ou moins prêt à discuter convenablement avec elle, à condition bien sûr qu'elle joue le jeu elle aussi. Le Curtis déclara:

"C'est la première fois que je te vois ici et pourtant tu es venue directement à moi... On s'est déjà vu quelque part ? Ou c'est mon charme animal qui t'a attiré ?"

C'était dingue comme un tout petit peu de nicotine pouvait changer un homme ! Voilà qu'il l'interrogeait sérieusement, mais en introduisant une toute petite touche d'humour pour qu'elle n'ait pas l'impression de faire face à un flic. Et puis, son charme animal était suffisamment puissant pour attirer les femmes, ce ne serait donc pas une première pour lui. Il était peut-être moins capable que d'habitude physiquement parlant, mais chimiquement, il était toujours capable d'attirer les femelles à lui sans le vouloir. La question était de savoir si c'était ce qui l'avait amenée, elle, à lui ou pas.

*Voleuse Compulsive*

La tension était palpable, et Kayla s'en félicitait. A défaut d'avoir été capable de faire naitre une sorte d'attirance physique chez Bradley Curtis, elle avait plutôt opté pour une joute verbale, un affrontement qui la servirait autant que la séduction. Le résultat final serait le même, il lui tardait de mettre les pieds chez l'homme et de découvrir toutes les merveilles qui pouvaient s'y cacher. Des pièces uniques qu'elle joindrait à toutes celles qui garnissaient déjà sa réserve secrète avec un sourire victorieux.
Le simple fait que le bonhomme allume une cigarette suffisait, dans le contexte, à indiquer que le petit jeu de Kayla fonctionnait. Lorsqu'on s'infiltre comme elle dans toutes sortes de milieux, on doit apprendre à fondre dans le décors, et pour ça rien ne vaut une observation minutieuses des tics, et des habitudes, des comportements et des réactions des gens. Alors anonyme elle pouvait se fondre dans la masse sans même qu'on la soupçonne d'être fausse. Elle était une perle recouverte de feuille d'or...

Saisissant distraitement l'un des colliers argentés qui paraient son cou, assortis parfaitement à la couleur de son vêtement chatoyant, la jeune femme cessa de feindre procurer de douces caresses à son blouson comme à un animal mort. Ce n'était pas de la vraie fourrure, trop chère, trop morbide. Kayla détestait, sans savoir réellement d'où venait cette aversion, que l'on puisse faire volontairement du mal à un animal sans qu'on y soit obligé.
Elle mit quelques longues secondes avant de répondre à Bradley, choisissant avec soin ses mots et prenant garde à ne pas avoir l'air trop pressée. Sa voix s'éleva alors, douce chaude et ronronnante, avec toujours une pointe de moquerie pour la servir.

-Ne vous vexez pas, mais vous n'êtes pas du tout mon genre d'homme. Un peu trop bourru peut être... Et rester avachi dans un coin de bar dénonce forcément que l'on a quelque chose à cacher, non ?

Un clin d'œil aguicheur, hors contexte, elle se moquait ouvertement de lui tout en gardant la politesse qu'elle avait adoptée depuis le début. Qui était elle ? Quel masque avait-elle revêtu ? Celui d'un effrontée qui n'a rien à perdre parce que l'argent lui offre tout ? Non. Celle qui en donne l'air. Les identités de Kayla étaient rarement à prendre au premier degré, car lui lui fallait toujours, au moins, une porte de secours. Car que dirait l'Ours s'il voyait qu'elle ne portait que de la fausse fourrure ?
Reposant les mains sur la table en feignant de ne pas voir les traces poisseuses et la crasse incrustée dans les rainures du bois, la jeune femme au regard vert et pétillant reprit la parole avec au moins autant d'assurance.

-Qu'est-ce que vous cachez, dites moi ? Je suis lassée de la vie, de mon quotidien... surprenez-moi, allons... Est-ce que vous êtes une sorte de... elle baissa le ton et pencha un peu plus la tête en avant, une sorte de criminel ?

Le sourire qui étira ses lèvres suffisait à lui seul à prouver qu'elle n'avait pas peur de toutes ces guerres de gangs qui subsistaient en souterrain malgré la politique radicale du Gouvernement. Pire : elle avait besoin d'être excitée, de sortir de son carcan familial. Ou du moins c'est ce qu'elle laissait deviner. Kayla, elle, n'avait nul carcan, elle était libre comme l'air.

Congrégation || Capitaine des Forces d'Intervention

Oui, cette fille l'énervait, et pas qu'un peu, avec ses airs supérieurs et ses paroles qu'il jugeait déplacées. Pour quelle raison ? Tout simplement parce qu'il ne supportait pas trop qu'on se foute de lui, et c'était ce qu'elle faisait littéralement, elle le provoquait en portant ce manteau devant lui, en critiquant les ursidés, soit tout ce qui était ours devant lui et en précisant en plus que ça tenait chaud, alors qu'on avait dû descendre l'un de ses animaux pour pouvoir lui permettre d'obtenir un peu plus de chaleur. Pour le Curtis, c'était presque inacceptable, il ne pouvait la supporter, et encore moins à cette époque de l'année, alors qu'il était toujours sur les nerfs, guettant la moindre occasion pour péter totalement les plombs et détruire tout sur son passage. Malheureusement pour elle, il n'était pas un gentleman, et donc, si elle continuait, il ne se retiendrait pas de lui éclater la figure !! La seule chose qui le retenait c'était l'idée de se faire remarquer en la passant à tabac, car on tenterait par la suite de le virer du bar, soit en faisant appel aux videurs, ou alors à la police, et dans les deux cas, il s'énerverait encore plus et risquerait de les frapper eux aussi !! En gros, si jamais il craquait face à elle, il aurait de forte chance de briser les os de tout un tas de personne en l'espace de quelques heures, avant de finir mort ou en prison, tout dépendrait de l'humeur des policiers et de leur nombre. Pour s'aider à conserver son calme plus longtemps, il s'alluma une cigarette et commença à fumer sans se soucier du fait que ça pouvait la gêner si elle n'aimait pas ça. Dans le même temps, il espérait intérieurement que la fumée la dérangeait, comme ça il aurait un petit avantage sur elle.

Il lui posa alors la question qui le taraudait depuis qu'elle avait fait son apparition sur la chaise face à lui: qu'est-ce qui l'avait amené à lui ? Il doutait un peu qu'elle lui réponde s'il lui posait la question directement et trop sérieusement, c'était pourquoi, grâce au petit apaisement apporté par la nicotine, il l'avait demandé en ajoutant une petite touche d'humour. Il avait donc demandé si c'était son charme animal qui l'avait attiré ou s'ils s'étaient déjà vus quelque part. C'était possible après tout, il aurait très bien pu la rencontrer par le passé et l'avoir oublié, ce n'était pas comme si il avait une excellente mémoire non plus. Elle lui répondit, en s'excusant au départ, qu'il n'était pas son genre d'homme, car il était trop bourru, sur le coup, ça le fit rire, au moins elle était franche, mais ce n'était pas ça qui le faisait vraiment rigoler. En vérité, il rigolait parce qu'il savait que ce qu'elle avait face à elle n'était pas le vrai lui. Et si c'était le seul truc qu'elle lui reprochait, mieux valait qu'elle ne le rencontre pas au printemps, elle risquerait de craquer totalement sur ce qu'il était vraiment ! Elle ajouta que le fait qu'il reste dans son coin devait signifier qu'il cachait quelque chose. Le clin d'oeil qu'elle ajouta juste après, il n'en comprit pas trop le sens, mais bon, le principal était de savoir qu'elle avait une drôle de façon de penser, elle avait des préjugés, d'étranges préjugés même, sortant tout droit des films policiers. Autant dire que si elle pensait qu'il cachait quelque chose, elle était tombée sur la bonne personne, sauf qu'il n'était pas le seul dans sa situation, ils étaient tout un groupe, et cette organisation se nommait: la Congrégation. Cependant, cela n'expliquait pas qu'il s'isole dans ce bar, la raison était tout autre.

Et oui, s'il s'était isolé à la base, c'était tout simplement pour dormir un petit peu, sauf que cette femme était venue le déranger juste avant qu'il ne parvienne à ses fins. Rien que pour ça, il ne devrait même pas lui parler, sauf que son odeur l'avait vraiment intrigué, et il se fiait beaucoup à son odorat. A partir du moment où il appréciait l'odeur d'une personne tout particulièrement, il aimait chercher à la connaître plus profondément: c'était ce qui c'était passé avec elle. Peu après, elle reprit, et exprima son désir de savoir ce qu'il lui cachait, il aurait très bien pu lui répondre "tout un tas de trucs" s'il n'avait pas compris qu'elle cherchait quelque chose de plus précis et de plus croustillant. Elle tenait absolument à ce qu'il soit un criminel. Il comprenait mieux ce qui l'avait attiré jusqu'à lui, en fait, elle avait juste fait confiance à ses préjugés qui disaient que les personnes s'asseyant tout au fond d'un bar étaient forcément de mauvaises personnes, en gros, des criminels. Il lui répondit alors avec un demi-sourire aux lèvres:

"Tout dépend de ce que tu entends par criminel. Je me considère plutôt comme un rebelle, et comme tout rebelle qui se respecte, je ne respecte pas vraiment les règles. Par exemple, si j'étais de meilleure humeur, tu ne me trouverais pas au fond du bar, mais en train de renverser quelques voitures sans doute. C'est très amusant, je te le garantis."

Il pleuvait de moins en moins à l'extérieur, ce qui expliquait qu'il lui parlait de plus en plus normalement, il n'était plus trop sur les nerfs, mais ça ne saurait tarder si elle le provoquait de nouveau. Actuellement en tout cas, il était en mesure de discuter de son statut de criminel ou non-criminel avec cette femme qui avait l'air fan de ce genre de truc. De plus, lorsqu'il parlait de renverser des voitures, ce n'était pas du tout dans le but de l'impressionner puisqu'il disait la vérité, et puis, il n'avait pas besoin de sortir des trucs aussi délirants que ça pour se faire bien voir... Il ajouta juste après:

"Au fait, si je me suis installé au fond du bar, c'est parce que je m'apprêtais à roupiller un peu quand tu t'es incrustée dans ce bar et que tu t'es installée face à moi, ce n'est pas vraiment parce que j'ai des trucs à cacher. Et toi ? Comme tu as l'air de t'intéresser aux criminels, j'en déduis que t'en es une aussi ?"

C'était vrai quoi, lui aussi avait le droit de poser des questions de ce genre, non ? Il n'y avait pas de règles qui le lui interdisaient, et même si c'était le cas, en tant que rebelle, il ne s'y plierait pas et poserait quand même les questions tabous !! Il était comme ça le Bradley !

*Voleuse Compulsive*

Kayla se redressa légèrement en esquissant un sourire, fendant son doux visage mutin comme pour l'éclairer de plus belle. Elle ne se considérait pas comme une criminelle, non. C'était un mot grossier et trop primitif pour désigner ses actions, son passe-temps. On l'associait plutôt aux cambrioleurs de bas étages, ou aux voyous agressant les vieilles dames dans la rue. Elle, c'était une autre histoire. Quand elle s'en prenait à de vieilles personnes elle les traitait avec soin et considération comme on le ferait avec la poule aux oeufs d'or. Et s'il lui arrivait de cambrioler une bijouterie ou un magasin quelconque, elle préférait le faire avec une discrétion qui la plaçait toujours hors de portée des accusations. Le culot, souvent, était l'arme la plus efficace.
Quand à cette identité superficielle qu'elle avait adoptée pour mieux tromper Bradley Curtis, cette jeune femme qui se donnait des grands airs et faisait toutes sortes de manières, ce n'était assurément pas une criminelle non. Juste une femme en manque d'action, lassée par son quotidien qui n'avait même pas la chance d'être pourri par le luxe. Elle prétendait.

-Non...ça serait tellement excitant pourtant !

Dans ses yeux verts en amande pétillèrent des étincelles d'impatience qui passaient facilement pour de l'excitation. C'était après tout des émotions assez semblables, qui s'entremêlaient dans l'esprit agité de Kayla. Son imagination faisait miroiter les trophées de l'Ours, son envie presque compulsive de posséder ce qui ne lui appartenait pas la rendait fébrile.

-Se cacher du Gouvernement, rôder dans les coins sombres et rentrer chez soi au petit matin... Dans une planque souterraine ! Vous avez une planque souterraine ?

A nouveau elle battis des cils en braquant son regard sur Bradley. Elle trahissait une jeunesse qu'elle n'avait pas laissé voir quelques minutes plus tôt sous ses grands airs de dame. Les boucles noisette et chocolat qui encadraient son visage lui donnèrent quelques rondeurs presque enfantines, une gamine la veille de Noël. Elle touchait du bout des doigts un monde trépidant, comme on n'en voit que dans les livres. Alors cet homme en face d'elle était un vrai criminel ? Un bad-boy à l'américaine, un hors la loi ? C'était tellement viril.
La demoiselle posa une main contre sa poitrine, le visage soudain figé et les yeux rivés dans ceux de son interlocuteur, du moins croyait-elle. Le suspense la faisait frissonner. Aurait-elle trouvé un moyen d'échapper à la routine de son monde plat et sans éclat ? Elle attendait la réponse sans broncher.
Mais au fond d'elle, encore, elle jubilait. Sous son masque et derrière le voile pudique qu'elle avait posé sur ses pensées les plus profondes, Kayla sentait qu'elle approchait de quelque chose d'encore plus intense que ce qu'elle avait d'abord espéré. Si Bradley disait vrai, alors il était possible qu'il y ait chez lui des trophées bien plus intéressant que de simples coupes de compétitions sportives. L'intrigante voleuse n'aurait alors qu'à se glisser pour cueillir quelques fruits défendus...

Changement de plan. Elle s'enfoncerait un peu plus encore dans son rôle de midinette écervelée. Soit elle s'attirait la sympathie de l'Ours, et réveillerait son instinct protecteur ou celui de reproduction... ou bien elle devenait exaspérante et pourrait alors s'introduire chez lui en n'étant qu'une peste qui ne savait pas quoi faire de sa vie.
Petit à petit le piège se refermait. Restait à savoir qui y resterait coincé. Sûrement pas Kayla, elle était trop habile pour ça. Et elle avait dans sa manche, et dans son décolleté, bien plus d'atouts qu'elle ne voulait bien le laisser croire.

Congrégation || Capitaine des Forces d'Intervention

Elle avait cherché à savoir s'il était un criminel ou pas, et vu le ton qu'elle avait utilisé pour lui poser cette question, elle avait chuchoté tout en se rapprochant de lui, il était clair qu'une réponse positive l'aurait émoustillée ! Bradley lui avait donc répondu qu'il se considérait comme un rebelle et non un criminel, pour lui, ce qu'il faisait était ce qui devait être fait. Il n'était pas du genre à respecter ce que l'Imperium avait imposé aux pays, surtout depuis qu'il avait su que son père avait été un important membre de la Congrégation. Savoir que son père lui-même avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour mettre fin à ce régime totalitaire servait à le motiver sérieusement dans ses actions. Pour l'instant par contre, il restreignait le plus possible ses actions, se sentant plus vulnérable qu'avant, il ne pouvait faire autant de chose qu'avant. Actuellement, il passait plus de temps à réfléchir qu'autre chose. Le froid avait toujours eu cet effet sur lui, il s'en était surtout rendu compte à l'adolescence, lorsqu'il avait connu ses premières relations: chaque fois que l'automne pointait le bout de son nez, le désir qu'il éprouvait envers le sexe opposé diminuait énormément, son corps ne réagissait pratiquement plus face à ce qui en tant normal ne lui donnerait qu'une seule et unique idée.

En ce moment d'ailleurs, c'était la même chose. La preuve ? Il avait beau passé son temps à reluquer le décolleté de cette femme, son esprit ne divaguait pas, il restait à sa place: il était de marbre. Autant dire qu'il pensait avec sa tête et plus trop avec son entrejambe pour le moment ! Et il en avait franchement marre. Pourtant, il savait que ça ne durait que pour un temps limité et que d'ici quelques mois seulement, il pourrait redevenir lui-même. Sauf si, avec un peu de chance, le climat changeait totalement à un moment ou à un autre, et qu'il se mettait à faire beau et chaud durant au moins quelques heures, c'était tout ce dont il avait besoin pour se sentir au meilleur de sa forme pendant quelques instants. Autrement, il lui suffisait de rentrer chez lui, le chauffage y était à fond et lorsqu'on y entrait, on avait qu'une seule envie: celle de se déshabiller pour éviter de se dessécher ! Un subterfuge extrêmement pratique pour les jours où une femme passait chez lui, que ce soit pour lui apporter son courrier ou encore son dîner si jamais il se faisait livrer. Quoiqu'il en soit, cette femme ne lui inspirait aucune idée perverse pour le moment, elle lui inspirait surtout de la méfiance, car elle ne s'était même pas présentée à lui, et l'avait provoqué avec la fourrure de son manteau. De plus, il n'arrivait pas à la cerner et ça le gênait un peu dans la mesure où il n'avait aucune idée de ce qui lui passait derrière la tête.

Toujours en train de fumer sa cigarette, il écouta les paroles de la fana des criminels en tout genre. Elle répondit qu'elle n'était pas une criminelle, mais que ce serait vraiment excitant pour elle ! Serait-elle une adepte de la poussée d'adrénaline ? C'était-à-dire de la même trempe que le Curtis. Du genre à aimer braver les interdits et à agir sous la pression pour atteindre l'objectif fixé ? Le style de personne qui était sans cesse pourchassé et qui devait passer son temps à cacher son identité afin d'avoir un minimum de temps pour vivre en paix ? Il en savait quelque chose lui. Vivre dangereusement était son passe-temps favori, il aimait prendre des risques, et relever des défis toujours plus grands, et à chaque fois, il en ressortait vivant !! Depuis le temps qu'il embêtait l'Imperium pourtant, on pourrait penser qu'il était idiot de s'installer dans un bar comme s'il n'avait personne à ses trousses. Et pourtant, il savait que tant qu'on ne connaîtrait pas son nom et qu'on ne saurait pas à quoi il ressemblait, il n'aurait aucune raison de s'en faire pour cela. A moins bien sûr qu'il hurle qu'il faisait partie de la Congrégation et qu'il se fasse remarquer par les mauvaises personne... Elle commença à délirer sur l'idée d'être une criminelle et sortit tout un tas de préjugés très amusant, d'ailleurs, Bradley se mit à rigoler dans sa barbe, il se moquait clairement d'elle. Elle avait réussi à lui arracher un véritable rire, un rire franc et grave !

Avait-il une planque souterraine ? Chez lui ? C'était très possible. Mais en même temps, il n'avait pas trop le choix. Sachant qu'il vivait dangereusement, il devait être préparé à toute éventualité, et si un jour, le Gouvernement apprenait qui il était, il enverrait sans doute des hommes à son logement pour le trouver et le ramener, voire l'éliminer. Si c'était le cas, la partie supérieur de l'endroit où il vivait ne resterait pas à une attaque, par contre, son sous-sol était parfaitement préparé pour ce genre de débarquement !! Et ce qu'il conservait à l'intérieur était encore plus précieux que ses trophées, pas aussi important pour lui, mais bien plus précieux. Ce sous-sol lui servait également de garage, ce qui signifiait qu'il y installait également les voitures qu'il n'utilisait pas, ainsi que ses armes, celles qu'il utilisait le plus souvent. Bien entendu, pour éviter que des invités s'introduisent dans cette pièce à la fois connue et secrète, il y avait un système de sécurité assez complexe. Cette pièce était connue, car personne n'ignorait qu'il avait un sous-sol, or, elle était secrète, car mis à part certains membres de la Congrégation, personne ne savait ce qu'il y cachait. En tout cas, ce sous-sol lui servait à la fois de garage, de réserve d'armes et de planque en cas d'attaque, mais il fallait quelque chose d'unique pour y pénétrer. Quoi ? Seul Bradley le savait. Il reprit donc son sérieux et décida de répondre à cette femme de manière à accentuer son enthousiasme et à attiser sa curiosité.

"Qui sait ? Si tu arrives à me convaincre, je te dirais si c'est le cas ou pas..."

Entretenir le mystère était quelque chose qui marchait généralement lorsque l'on voulait attiser la curiosité du sexe opposé. Les femmes étaient curieuses par nature, bien plus que les hommes en tout cas, et il semblait que celle-ci avait quelque chose en plus niveau curiosité. Son attitude avait complètement changé dès qu'elle avait imaginé que le Curtis était une sorte de criminel, pourtant, il n'avait jamais vraiment approuvé cette thèse. Il avait simplement déclaré qu'il se considérait plus comme un rebelle que comme un criminel, ce qui pouvait être la même chose selon les points de vue. Une autre question lui vint alors en tête, vu l'enthousiasme qu'elle exprimait lorsqu'elle parlait des criminalités, il cherchait à en connaître l'origine. Il posa sa question:

"Au fait, d'où te vient cette passion pour les criminels ?"

Autant en savoir un maximum sur elle avant de disparaître, non ? Et oui, il n'avait pas l'intention de passer 107 ans en sa compagnie, il comptait la laisser d'ici quelques minutes, et connaître son nom et son prénom ne l'intéressait absolument pas. Bien au contraire même, si jamais il découvrait qu'il désirait la revoir, il préférerait mener ses recherches par lui-même et se donner un peu de mal pour la retrouver. Il était plus amusant de mener toute une enquête plutôt que d'obtenir toutes les informations sur un plateau dès le départ. En tout cas, si elle cherchait à en savoir plus sur lui, c'était le moment où jamais de poser des questions ou alors de lui tirer les vers du nez d'une manière ou d'une autre. Il ne lui restait plus que quelques minutes, après ça, il rentrerait chez lui pour dormir, ou simplement se reposer.